L'obscurité, domaine de prédilection d'un démon. Dans celle de cette nuit là je me sentais totalement à l'aise, j'étais dans mon élément et je m'y plaisais. Quelques minutes plus tôt j'avais prit la poudre d'escampette loin de ce pensionnat bien trop étouffant pour moi. C'est que j'aime ma petite liberté. Surtout celle qui me permet de découvrir les plus belles choses de la vie. Ce continent parallèle semblait avoir beaucoup à offrir et c'est pour cette raison que je me mis en quête de découverte et de voyage loin du pensionnat. Je voulais juste faire un brin de visite avant les cours. Dans cet objectif je m'étais attelé à fuir le plus rapidement possible les alentours du pensionnat de peur d'être attrapé avant de pouvoir m'amuser. Ce serait dommage.

Vêtu très sobrement pour passer inaperçu je déambulais dans la ville, observant tous ses recoins à la recherche des bons spots pour se divertir. J'aimais tous ces lampadaires et illuminations par rapport au côté tellement sobre du pensionnat. Toute cette atmosphère sentait bien plus la fête. Alors que j'avançais au milieu des petits commerces sans me poser de questions une pensée me surgit d'un coup à l'esprit : Bordel par où je suis arrivé ? En effet je n'avais aucune idée du chemin que j'avais emprunté et comment rentrer au pensionnat et plus exactement le coin par lequel j'étais sorti sans me faire repérer. Mince.

Alors que ces pensées ne voulaient plus sortir de mon esprit comme une illumination, une lueur d'espoir plongea sous mes yeux. Des rues pavées je pouvais observer sur la plage une jeune femme dont jaillissait 9 queues. Aucun doute là dessus, je l'avais déjà entraperçu au pensionnat, on ne passe pas inaperçu avec ce genre de particularité physique. Si elle était là cela voulait dire qu'elle pouvait me sortir du pétrin dans lequel j'étais. Je m'approcha alors doucement, tapis dans l'ombre derrière-elle en faisant de ne pas être repéré et lui insuffler un peu de peur lorsque j'allais l'interpeler d'un ton réprobateur en me faisant passer pour un personnel du pensionnat :

« Alors demoiselle, on fait le mur ? »

La jeune fille semblait surprise comme je l'espérais. Elle ne semblait plus savoir où se mettre, la panique de s'être fait prendre en flagrant délit se voyait dans ses yeux et dans le teint de sa peau. Que c'était diabolique de lui faire subir ça, un vrai comportement de démon ! Je n'allais pas m'arrêter en si bon chemin et continuer un peu de m'amuser. Aucun raison d'arrêter le plaisir maintenant. Cette nuit s'annonçait amusante. Alors qu'elle prenait un air tout innocent je tendis ma main pour venir la faire tomber sur son épaule et lui répondre droit dans les yeux pour qu'elle ne puisse faire fuir son regard :

« On me ne la fait pas à moi. Vous sortez de l'établissement en pleine nuit, la cour suffisait pour prendre l'air. »

Je retirais ma main avant de la porter à mon menton faisant mine de réfléchir avant de nouveau lui adresser la parole avec un large sourire.

«Comme j'ai passé une bonne soirée je vais être gentil ce soir. Je vais vous raccompagner au pensionnat jusqu'à l'endroit par lequel vous êtes sortie et faire comme si je ne vous avais jamais vu, d'accord ? »

Parfait, absolument parfait. Mon plan marchait à merveille, elle allait me ramener au pensionnat sans que je me fasse repérer et mon petit traquenard allait continuer. La situation était assez drôle et se déroulait comme sur des roulettes. Quelle ne sera surprise quand elle se rendra compte que je suis étudiant mais en attendant, j'allais la laisser mijoter un peu.

Mais c'est qu'elle se laissait pas faire, une vraie louve. J'étais un peu déconcerté mais rien d'alarmant pour le moment. Elle était juste sceptique, surement un truc en rapport avec l'instinct animal. Il suffisait d'un peu la remettre en place ou quelque chose du genre. Je mettais mes mains dans les poches en vu qu'elle semblait ne pas les apprécier et me pencha légèrement en avant pour rapprocher mon visage du sien.

« Écoutez mademoiselle, premièrement vous allez baisser d'un ton et deuxièmement ce n'est pas vous qui décidez. Je voulais être gentil mais si vous voulez un preuve je vais tout simplement vous ramener à l'entrée du pensionnat où mon collègue vous cueillera et fera un joli rapport à votre sujet. Donc maintenant vous allez cesser vos enfantillages et me suivre. »

Il faut toujours souffler le chaud et le froid, passer du bon flic au mauvais flic pour rendre les choses plus crédibles et obliger l'interlocuteur à nous croire. Ici je poussais mon interlocutrice dans ses derniers retranchements pour qu'elle m'écoute et revienne à une option plus acceptable. Je tendis ma main vers la ville lui faisant mine d'avancer. Et de toute façon elle allait devoir bouger, avec la marée montante, l'eau gelée commençait à arriver à ses pieds. C'est pas comme si elle pouvait faire la statue sur ici.

Décidément elle ne voulait pas bouger d'un pouce, enfin si vu qu'elle était remontée un peu plus haut sur la plage face à l'eau qui venait lui caresser les pieds. Dans tout son langage corporel s'était vu le côté déplaisant de ce contact. Fort heureusement pour moi j'étais plus loin et je n'avait pas eu à connaitre ce sentiment. Je hais le froid, c'est pas fait pour un démon le froid. Et à vrai dire plus la soirée avançait et se rafraichissait plus j'avais hâte de rentrer au pensionnat. Sauf qu'elle ne semblait pas du même avis malheureusement. Ce n'était pas suffisant pour me décourager, elle allait me ramener au chaud, d'une façon ou d'une autre. Je me retourna alors pour à mon tour monter haut plus haut sur la plage m'approchant à nouveau d'elle.

« Vous n'avez pas l'air de comprendre. Ce n'est pas vous qui décidez, il y a des règles et elles se doivent d'être respectées. Vous allez me suivre, que vous le vouliez ou non, plus vous vous entêtez plus vous aggravez votre cas. »

Disais-je en m'avançant vers sa position. Une fois à un mètre d'elle une nouvelle idée me vint à l'esprit.

« Bon comme je suis quelqu'un de compréhensif dans le fond et que je n'ai pas envie d'utiliser la force pour vous ramener au pensionnat je vous laisse 5 minutes pour profiter de la plage. Cela vous laissera un bon souvenir pour vos longues heures de retenue. »

Méchant flic, bon flic, encore et toujours. Même si ça devenait compliqué de jouer le bon flic avec une tête de mule pareil. Un vrai caractère de chien... heu lycan. Je m'asseyais alors à côté d'elle, faisant mine d'attendre et de profiter un peu de la superbe vue de cette plage.

Enfin une réponse qui me convenais, la jeune femme se montrait plus résonnable et était prête à partir de cette plage dans quelques minutes et ainsi me permettre de rentrer sans me faire repérer à l'établissement. Même si je devais avouer être assez déçu que la peur de la punition n'ait pas eu d'emprise sur elle. C'est bien dommage. C'était tout de même ce qui était censé être la partie la plus amusante de tout ce petit jeu.

« Je suis monsieur Wagner mais vous pouvez m'appeler Amadeus, il n'y a pas besoin de formalités entre une élève et un surveillant. »

Lui divulguer mon identité n'avait pas grande importance, elle se rendrait de toute façon compte que je ne suis pas surveillant au bout du compte dans les jours suivant. Sur le moment, je me disais que donner une fausse identité était inutile. Puis un peu de vérité allait peut-être me faire passer sous les radars de son sixième sens pour repérer les supercheries. Je repris d'une voix plus douce que lorsque je lui conseillais de rentrer au plus tôt au pensionnat :

« Vous pouvez me rappeler votre prénom mademoiselle ? Je met un certain temps à me rappeler des prénoms de tous les élèves. Tellement d'allées et venues...»

Je devais instaurer une relation de confiance et savoir son prénom pouvait être utile. C'était qu'elle se révélait intéressante cette petite lycan. J'étais certain que nos chemins allaient se recroiser rapidement, au pensionnat ou ici devant ce magnifique océan que j'observais.

Il commençait à faire particulièrement froid. Rester immobile sur la plage n'aidait pas à se réchauffer. J'étais un démon, le froid je détestais ça. Naturellement j'en vins à croiser les bras et me les frotter avec les mains afin de me réchauffer un  peu. Alors que mon regard était posé sur l'océan je continuais la conversation dans l'espoir qu'elle dise rapidement qu'il était temps de partir.

« Vous vous plaisez ici ? Vous n'avez aucun élève perturbateur à me balancer ? » ponctuais-je d'un petit rire.

Je n'étais pas vraiment un élève très sérieux, si elle pouvait m'en donner d'autres voilà qui serait une très bonne bande me disais-je. Pour s'amuser rien de tel que des perturbateurs. De plus je pouvais savoir avec qui elle trainait et ainsi l'esquiver dans les jours qui suivaient, ce serait dommage de me faire griller si rapidement.

« Je sais que ce n'est pas facile au début, surtout pour les lycans comme vous. Après tout vous avez l'apparence la plus singulière... Bien que très réussie vous concernant. »